La mélisse

melisse-foto

Mélisse 

Melissa officinalis

Parmi les plantes folles qui viennent aux alentours des lieux habités, la mélisse, quelquefois mêlée aux orties, aux ballotes, peut passer inaperçue. Ses tiges à quatre angles, ses feuilles opposées, ses fleurs à deux lèvres, annoncent pourtant tout de suite une représentante de la famille des Labiées et, pour l’ami des herbes, toute Labiée mérite que l’on se penche vers elle, qu’on la contemple d’un peu près, qu’on la hume. Si quelques espèces, alors, ne révèlent leur haleine secrète (ou son absence) qu’au froissement, la mélisse n’est pas avare d’une sen­teur délicieuse qui, même pour un non-botaniste, est un signe immédiat de reconnaissance : toute la plante exhale un parfum très agréable et capiteux de citron sucré, qui lui vaut son nom de citronnelle.

C’est une herbe vivace poussant souvent en petits peu­plements, à tiges de 30-90 cm, dressées, rameuses, un peu poilues, très feuillées. Les feuilles, opposées, pétiolées, à limbe ovale de 3-7 cm, largement denté, souvent ridé­bosselé, attirent l’œil par leur beau vert clair. Les fleurs, petites ,0-1,5 cm), blanchâtres, parfois rosées, sont verticil­lées par 4-12 à l’aisselle des feuilles supérieures. La corolle, à tube incurvé en arrière et dilaté dans le haut, dépasse un calice à 13 nervures et à 2 lèvres, la supérieure à 3 dents, aplatie-concave, caractéristique, l’inférieure à 2 dents (dents toutes très aiguës).

La mélisse, très anciennement introduite d’Asie occi­dentale, ne se trouve chez nous qu’à l’état naturalisé, çà et là aux alentours des maisons, des villages, des ruines, dans les haies, au pied des talus et des murs, parfois dans les vignes. Ces stations particulières, qui facilitent sa recherche, sont les vestiges d’anciennes cultures pour l’usage médicinal. La sous-espèce altissima Arc., plus élevée, d’odeur fétide, est sauvage en Corse au bord des cours d’eau.

RÉCOLTE

On cueille toutes les parties aériennes de la mélisse en début de floraison, le matin, après dissipation de la rosée, de juin (vers la Saint-Jean) à la mi-août, selon la région. On les sèche à l’ombre, réunies en bouquets peu serrés ou suspendues en guirlandes ; la plante ne doit ni jaunir, ni noircir, mais conserver une certaine souplesse après dessiccation, une odeur intacte (au froissement) et sa bonne saveur. On peut la garder telle quelle en sacs de papier fort, bien clos ou, brisée, en boîtes ou en bocaux. Il faut en renouveler la provision chaque année.

PROPRIÉTÉS MÉDICINALES

Plante populaire par excellence, cette Labiée, bien dédai­gnée de nos jours, est une antispasmodique non négli­geable qui peut se montrer bienfaisante dans certains troubles nerveux : migraines, palpitations, vertiges, bourdonnements d’oreilles, nervosité, insomnie, etc. Elle est d’une utilité éprouvée dans les crampes d’estomac d’ori­gine nerveuse : elle peut calmer les vomissements, de la grossesse en particulier. Son infusion, d’un goût délicieux si la plante est récente (1 bonne pincée pour une tasse d’eau bouillante ; 3-4 tasses par jour), est à conseiller aussi aux surmenés auxquels elle procure détente et sommeil.

Stimulante aussi bien qu’antispasmodique, au niveau digestif, la mélisse combat les crampes d’estomac des ner­veux, les digestions difficiles avec flatuosités, les maux de tête·d’origine digestive. On peut lui adjoindre utilement l’angélique. Une tasse de son infusion, après le repas, a souvent calmé des spasmes, entravé des indigestions. L’association avec la menthe pouliot est aussi très souhaitable.

J. Roques consacre à la mélisse plusieurs pages de son Nouveau Traité des plantes usuelles (1837) et il vante ses vertus antispasmodiques et légèrement stimulantes : « Le thé de mélisse (infusion ci-dessus), un peu sucré et aci­dulé avec le suc de citron, calme, dit-il, la soif et la sécheresse dans les affections fébriles ( … ), plaît singulièrement aux malades et produit quelquefois des effets merveilleux » ; quant à l’infusion vineuse (faire macérer 24 heures 60 g de feuilles dans un litre de vin du Rhin ; recette reprise de Paracelse), à la dose de quelques cuille­rées chaque jour, c’est « un remède spécial pour remonter les forces vitales, pour donner aux hommes fatigués et déjà vieux une sorte de vigueur juvénile ».

Enfin, comme beaucoup de Labiées dont nos bronches éliminent rapidement les essences, la mélisse trouve emploi dans la bronchite chronique et l’asthme humide. Son action, ici, est bien moins prononcée que celle de l’hysope ou du marrube mais, associée à d’autres antispasmodiques légers, comme le coquelicot ou la lavande, à des béchiques comme la guimauve et le tussilage, elle n’est pas à dédaigner dans les affections bronchiques légères des enfants qui apprécieront d’autant mieux leurs chères heures de lit et les câlineries d’une maman complice, si la potion, rançon de ces heures si douces, est elle-même toute suavité.

• Eau de mélisse

li n’y avait guère de pharmacie familiale, autrefois, qui ne renfermât un flacon d’eau de mélisse des Carmes pour parer aux troubles les plus divers que pouvaient susciter, parmi les membres du logis, l’annonce d’une joie ou d’une peine inaccoutumées, un repas de noce trop copieux, une bataille de galopins ou la venue inopinée de l’hiver. Cette composition, célèbre depuis le début du XVIIe siècle, que fabriquaient alors les Carmes déchaussés de la rue de Vaugirard, qui s’était acquis, dit Chomel, « une réputation égale à celle de l’eau de la reine de Hongrie, à laquelle même plusieurs la préfèrent », qui était « fort esti­mée pour l’apoplexie, la léthargie et l’épilepsie, pour les vapeurs, les coliques, la suppression des ordinaires et celle des urines », était le produit d’une distillation de mélisse fraîche, macérée dans l’alcool et le vin blanc en compagnie d’aromates divers. Comme il n’est guère facile, aujourd’hui, d’opérer chez soi des distillations, je me contenterai de donner ici une vieille recette simple par macération :

« Prenez : feuilles de mélisse à moitié sèches, quatre onces (120 g) ; écorce récente de citron, noix de mus­cade, semence de coriandre, de chaque une once (30 g) ; gérofle (= girofle) et cannelle de Ceylan, de chaque demi­once; esprit de vin, quatre livres (2 litres). Faites digérer pendant huit jours à une chaleur douce; filtrez la liqueur, et conservez-la dans un vase hermétiquement fermé. »

L’eau de mélisse s’emploie dans tous les maux cités plus haut, soit à la dose d’une cuillerée à café dans un verre d’eau ou dans une tasse d’infusion de la même plante, soit par gouttes sur du sucre: 15 gouttes aux enfants, 30-40 gouttes aux adultes, jusqu’à 4 fois par jour. Cette liqueur n’est nullement un « digestif’ ; elle peut devenir toxique à fortes doses ; il convient de la considé­rer exclusivement comme un médicament.

USAGES DIVERS

Les feuilles de mélisse fraîches, hachées, peuvent aroma­tiser les salades, les soupes, les marinades dont elles faci­litent la digestion. On s’en sert aussi pour parfumer le vin, pour composer, l’été, des boissons glacées rafraîchis­santes (avec de la menthe, du jus d’orange et de l’eau sucrée). Quelques branches de mélisse, dans l’armoire, éloignent les mites et parfument le linge. Les fleurs sont très recherchées des abeilles et fournissent un miel excel­lent ; la culture en grand de cette plante, « piment des mouches à miel » des anciens, devrait toujours s’accompa­gner d’apiculture (Melissa est le nom grec de l’abeille).

CULTURE

La meilleure façon d’introduire la mélisse au jardin est d’y planter des éclats de vieux pieds, soit au printemps, soit à l’automne. La plante talle abondamment et quel­ques pieds sauvages suffisent souvent pour garnir un bon espace. On la place à bonne exposition, à 40 cm d’écartement sur les lignes.

La mélisse, plante mellifère par excellence, (en grec « mélissa » (abeille)), ne comporte qu’une seule espèce, la mélisse officinale. La mélisse pousse par touffes, de 30 à 60 cms, et fleurit blanc de juin à août. Souvent cultivée dans les jardins et ce depuis des siècles, on peut la trouver à l’état sauvage, échappée des lieux cultivés (à moins qu’on ne la confonde avec la mélitte, très ressemblante mais qui fleurit rose). Tout terrain lui convient mais elle a une préférence pour les sols profonds et frais, ensoleillés, même si elle supporte le gel.

pastedGraphic.png

Mélisse

Vertus thérapeutiques

. Plante stimulante et antispasmodique

. Plante stomachique (contre les maux d’estomac), carminative (contre les coliques, flatulences), digestive

. Plante sédative, antiseptique et cicatrisante (plaies de toutes sortes)

Ces vertus sont sensiblement les mêmes que celles de la menthe, et la mélisse est souvent associée à la menthe dans les tisanes. L’atout majeur de la mélisse est son absence de toxicité par rapport à la menthe puisque la mélisse contient du camphre et non du menthol. La panoplie des maux soulagés par la mélisse est vaste, des troubles digestifs en général aux palpitations, migraines, vertiges, syncopes, des problèmes nerveux en tout genre aux affections des voies respiratoires, de la fatigue intellectuelle aux douleurs rhumatismales. C’est donc une plante médicinale majeure à se procurer en priorité ou mieux à faire pousser dans son jardin!

Mode d’emploi

. Infusion: 4 à 5 feuilles par tasse, 3 à 4 tasses par jour

. Eau de mélisse des Carmes: fabriquée à partir de 1611 par les Carmes de la rue de Vaugirard à Paris, c’est un excellent remède toujours d’actualité que l’on achète en pharmacie.

. Poudre de feuilles de mélisse séchée : en interne contre les vers intestinaux

. Compresses de la plante broyée ou compresses imbibées de l’infusion concentrée de la plante sur les plaies, les rhumatismes

(1) thé solaire: placer les plantes dans un bocal en verre transparent, couvrir d’eau froide, poser un couvercle ou une gaze; placer le bocal au soleil pour une macération de 4 à 5 heures et filtrer.

Ce procédé très doux permet d’extraire les essences les plus fines, au parfum délicat, sans charger le thé de substances lourdes souvent amères ou astringentes. On peut alors bénéficier des vertus des végétaux et en même temps d’une eau « vitalisée » et « rechargée » par les rayons du soleil.

Sources:

« Dictionnaire des plantes médicinales et vénéneuses de France » Paul-Victor FOURNIER, ed. Omnibus 2010, préfacé par Clotilde BOISVERT, fondatrice de l’Ecole des Plantes de Paris

« Petit Larousse des plantes médicinales » Gérard DEBUIGNE et François COUPLAN, 2009, éd.France Loisirs « Secrets et vertus des plantes médicinales » Sélection du Reader Digest, 1985